|
Après la guerre de cent ans, la France connut une période relativement plus calme, surtout en Bassée, où l’on vit se construire un certain nombre de châteaux dans le style alors nouveau de la renaissance. Puis une nouvelle période de troubles commença : les guerres de religion. François Richard, dans la biographie de Kernevenoy, nous brosse un tableau rapide et précis de la situation de l’époque. « Le 30 juins 1559, au cours d’un tournoi donné à l’occasion ds mariages de sa fille Elisabeth avec Philippe II, roi d’Espagne, et de sa sœur Margurite avec Emmanul-Philibert, duc de Savoie, Henri était mortellement blessé par le capitaine de Montmorency. Catherine de Medicis, restée veuve avec à sa charge 3 garçons et une fille, devait, dans une période critique, assurer à la fois le gouvernement de la France, la sauvegarde de la monarchie des Valois et l’éducation de ses enfants. L’ainé des fils, François II, 1(ans, déjà marié avec la reinette d’Ecosse Marie Stuart, pouvait régner sous l’égide des Guises, oncle de celle-ci, mais Charles (futur Charles IX) neuf ans et Alexandre (futur Henri III) huit ans avaient chacun leur maison, et il fallait les pourvoir, l’un et l’autre de gouverneurs de tout repos, capables à la fois de surveiller leur instruction et formation, et d’administrer leurs biens. Le 4 octobre 1559, François II confiait le pouvoir régulier de Gouverneur de la personne et superintendant de la maison d’Alexandre, duc d’Anjou, à François de Kernevenoy, seigneur de Noyen sur Seine, tandis que Philibert de Marcilly obtenait la même charge pour la personne de la maison de Charles, duc d’Orléans. Charles IX En 1566, les Guises, s’emparent du pouvoir : conjuration d’Amboise dirigée surtout contre eux ; mécontentement d’une grosse fraction de la noblesse dont l’activité militaire est mise au sommeil ; exploitation de celui-ci par les princes du sang relégués à l’arrière plan de la scène politique ; arrestation et procès d’Antoine de Bourbon, rois de Navarre (père d’Henri IV) et de son frère, Louis 1er de Bourbon, prince de Condé ; convocation à Orléans des Etats Généraux ; mort dans cette ville de François II et avénement de Charles IX, dix ans ; attribution de la régence à Catherine de Médicis ». Monsieur A. Binet, dans « les guerres de religion, vues par un habitant des Ormes », donne d’autre part des renseignements spécialement intéressants pour notre région : « La première guerre de religion fut déclenchée en 1562 par des incidents de Wassy. C’était le premier grave événement , le premier aussi sanglant de la lutte qui couvait. Le roi ordonna l’enrôlement de soldats qui furent levés légèrement et hâtivement , mais fort lentement conduits et menés au camp du roi. Ils furent quasi partout l’été de l’année 1562, à tenir les villages les uns après les autres, pour y manger de toutes leurs dents et pour rançonner les habitants, tant en général qu’en particulier. Il faut noter que les habitants des villages furent plus cause que les gens d’armes les rançonnèrent que le furent les gens d’armes de les rançonner. Les troupes ne songèrent pas tout d’abord à demander une rançon aux habitants, car au commencement de cette guerre , les gens des villages étaient si riches et si pleins de tous les biens, si bien meublés en leurs maisons, si pleins de volailles et de bétail, que c’était une noblesse. Les moins clairvoyants en affaires pensèrent que cette guerre ne durerait pas longtemps, ne sachant pas de quelle importance étaient les guerres de religion. Et pour cela, voyant les gens de guerre rompre leurs belles tables , leurs coffres bien fournis, et reluisants, tuer une grande quantité de volailles, mais ne pas réclamer de l’argent, les habitants leur en offraient volontiers afin de les apaiser. Quand ils se trouvaient plusieurs soldats logés dans une même maison , et chez le même hôte, la rançon pour tous était d’un teston (10 à 12 sous). Les gens des villages exhortèrent si bien les dits gens de guerre à accepter une rançon qu’en peu de temps les soldats exigèrent chacun leur teston, puis d’un passèrent à deux, puis à trois, et à un écu (environ 30 sous) pour un homme, avant que les troupes cessassent, et rompirent tables, bancs et couches, coffres et escabeaux, tant qu’ils n’avaient rien reçu. Coutures-lès-Bray, qui avait refusé de recevoir les compagnies royales, fut mal traité. Les hommes en fuite, les femmes et les filles eurent fort à faire pour défendre leur pudicité. Les biens furent mis au pillage, et tous actes de vilenies furent exercés par les soldats pendant trois ou quatre jours. M. de la Barge, gentilhomme demeurant à Moulin d’Ocle, ayant compassion de l’affliction des habitants de Couture, ainsi que Gond-Fortin, archer et garde e la porte du roi, enfant de Goix, allèrent prier leur chef Risecourt de déloger, Risecourt partit, mais n’eut pas honte de dire que sans M. e la Barge et Gond-Fortin, il n’en eut pas parti avant huit jours. De leur côté, les rebelles huguenots pillaient et ravageaient également le royaume. Dans le même temps, Vimpelles subissait aussi le même sort, et en moins de vingt jours, ses habitants n’eurent plus que ce qui leur restait sur le dos au moment de leur fuite. La première guerre de religion se termina par la paix et l’Edit d’Amboise en 1563. Reprenons maintenant le texte de François Richard : « la paix signée, Catherine de Médicis, régente du royaume, décida de faire connaître celui-ci à Charles IX. Et la cour toute entière, y compris les chefs des huguenots, apparemment réconciliés, se mit en route, Dieu sait avec quel apparat. Le cortège cavaliers, litières, serviteurs- s’égrénait sur des kilomètres, par tous les temps et dans des conditions de confortabilité qui nous paraissent invraisemblables. Cela fut pourtant et le périple dura deux ans. Au retour (1566) de moulins, l’immense cortège passa par Sens et Sergines. Pourquoi ? parce que Charles IX, Catherine de Médicis, le duc d’Anjou avaient décidé de témoigner leur reconnaissance affectueuse à Kernevenoy ( dit Carnavalet) et de se rendre à Noyen. La Cour s’arrêta à Sergines pour s’y restaurer. La famille royale prit son repas chez le curéDeninat. De Sergines, le cortège royal s’en fut à Noyen, probablement par en passant par Plessis-Saint-Jean, Pailly, Plessis-du-Mée, Baby, et Villuis ou Fontaine-Fourches. Il ne s’arrêtera guère. La visite était toute de courtoisie, et Charles IX, intrépide chasseur, bon cavalier, inspecta son haras et ses pages. De Noyen, la Cour vint passer la nuit à Bray-sur-Seine où sans doute l’acceuillit, ave sa grâce et sa magnificence coutumières, JacquesII, prince de Genevois, duc de Nemours, baron du lieu, la figure la plus représentative de cette époque au grande, si vivante, si troublée, si pleine de contrastes et en général si ignoré ». Claude Haton, natif de Melz, prêtre aux Ormes puis à Provins, nous a laissé de ce passage une chronique dont nous tirons un extrait : « dudit Sergines, il print son chemin au village de Noyen-sur-Seine, pour aller visiter le château dudit lieu, appartenant à Mons. De Carnavalet, ung de ces écuyers de chevaux et visiter l’écurie de ces chevaux qu’on nourrissait audit lieu. Il aresta point audit Noyen ; mais ayant tout soudainement regardé le lieu et ses chevaux , alla descendre en la ville de Bray, où son repos s’apprestoit pour la nuit. Au lendemain, sur les neuf heures, s’en partit après avoir ouy la messe, et sans manger, monta en son coche et s’en alla diner au bourg de Mons-en-Montois-lès-Donnemarie, où il séjourna jusques au lendemain matin sur les dix heures. il estoit accompagné de la reine, sa mère, de Mons, le duc d’Anjou, son frère, de Mons. Le Connétable, qui l’avaient suyvy continuellement en son voyage ». Précisons que le connétable au cause et Anne de Montmorency descendant d’un des premiers barons de Bray. Parmi les personnages illustres de la suite du roi, signalons encore : sa sœur Marguerite (Margot) future femme de HenriIV, l’amiral Gaspard de Coligny, Andelot, seigneur de Tanlay, et Odet de Chatillon, ex-cardinal évêque de Beauvais, dit comte de Beauvais. Enfin, pour terminer ce chapitre, nous soulignerons le rôle surprenant de notre pays à cette époque. On sait que les limites de la Baronnie de Bray ne correspondent par exactement aux frontières de la Bassée . Or, tandis que Kerneveney, seigneur de Noyen, prodiguait ses soins éclairés au duc d’Anjou, et le préparait inconsciemment à son futur rôle de roi, à l’autre bout de la Baronnie, à Serbonnes, grandissait au même moment Jacques Clément, celui qui devait l’assassiner. |