Henri IV
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C’est à Monsieur de Compigny de Bordes de Vilkliers de l’Isle Adam que nous allons céder la plume, en publiant au cours de ce chapitre, de large extraits de son livre « RECHERCHES AUTOUR D’UN GRENIER A SEL ».

«  Dès les premiers jours de mars 1590, Henri IV, après avoir soumis le Maine et la Normandie, se tourna vers Paris. Il y eut choc à Ivry, avec l’armée de Mayenne, le 14 mars, au matin. On connait les péripéties de cette bataille qui fut une victoire pour la Béarnais.

A la fin de mars 1590, Henri IV se trouvait maître de la vallée de la Seine, de Rouen jusqu’aux portes de la capitale. Il résolut alors de s’emparer des villes de la haute Seine, et d’empêcher  ainsi le ravitaillement de Paris qu’il voulait assiéger sans plus de retard. Dans cette vue, il partit de Mantes le 28 mars et, après avoir reçu la soumission de Corbeil, Lagny, Melun, Moret, Crécy, et Provins, il entra le 15 avril à Montereau. Pont-sur-Yonne et Bray-sur-Seine capitulèrent dans ce même temps. Il fit occuper les ponts, et alla s’établir à Bray, le mardi 15 avril, décider à y rester jusqu’à Pâques, « pour donner loisir à chacun de faire ses dévotions ».

De Bray, Henri IV envoya une trompette sommer la ville de Sens de lui ouvrir ses portes. Il avait eu avis, affirme comte de Bastard, que des démélés s’étaient élevés entre les autorités sénonaises, et il voulait en profiter pour s’assurer de cette place sur la rivière d’Yonne.

Avant de faire une réponse définitive, les habitants de Sens demandèrent délai jusqu’ua Lundi de Pâques, le 23 avril.

Depuis 1584, époque où l’on assurait que les Valois s’éteindraient sans postérité, Sens était une ville dont le zèle catholique ne s’était pas démenti. La Ligue y avait trouvé des partisans frénétiques dans toutes les classes de la société, et Jacques Harlay de Champvallon, gouverneur pour Mayenne, excitait à la résistance. Ancien amant de Marguerite de Valois, Champvallon avait des raisons personnelles de s’opiniatrer. La garnison, peu nombreuse, était commandée par des officiers résolus : le capitaine de la Motte-Coutelas, gouverneur d’Auxerre, le marquis Lalavicinis, l’italien Peloso. Les habitants avaient creusé des fossés, élevé le rempart de la porte Saint-Antoine, et construitdeux casemates.

Le 23 avril, le parlementaire royal fut renvoyé à Sens, mais les habitants refusèrent de se rendre.

Vingt  quatre heures ne s’étaient pas écoulées que Champvallon avertissait le maréchal d’Aumont, qui était au camp d’Henri IV, de son désir de l’entretenir. Les négociations durèrent deux jours, et aboutirent à un projet de capitulation préparé dans une assemblée présidée, le 26 avril, par l’archevêque de Sens, Nicolas Pellevé, et à laquelle avaient assisté le gouverneur de la ville et les capitaines des compagnies d’hommes d’armes, l’archidiacre et le trésorier de l’église, le lieutenant général et le lieutenant particulier, l’avocat du roi, le maire, les échevins, les conseillers au baillage, les capitaines des quartiers et des marchands.

Les articles de cette capitulation servaient de courte-échelle à tous les dignitaires présents à l’assemblée du 26 avril, ainsi qu’à leurs parents et amis absents de la ville.

Henri IV

Henri IV reçut ce papier à Bray, le 27 avril. Il était porté pat La Motte-Coutelas, accompagné du lieutenant particulier Delépine, et d’un échevin de Sens muni de pleins pouvoirs.

Le roi examina les conditions, sourit à plusieurs reprises, en renvoya les plénipotentiaires en leur promettant de passer par leur ville. Le maréchal d’Aumont précéda d’un jour le monarque, dont le projet était d’être à Sens le dimanche 29. Mais le 28 au soir, Henri de Navarre fut averti que la populace de la ville, travaillée par les moines, s’était soulevée, et ne voulait pas entendre parler de capitulation. Le gouverneur, pour éviter le fureur du peuple, avait du se retirer à l’archevêché.

Henri IV prit immédiatement la route de Sens et arriva dans les faubourgs, avec son artillerie, sur les quatre heures du soir. Les pièces, tout de suite furent mises en batterie, mais pour donner aux habitants le temps de parlementer, on ne commença le feu que le lendemain à dix heures du matin.

La ville était sur une forte défensive. Les assiégés, sans trop de mal, essuyèrent les premières décharges, causant, eux-mêmes, des pertes à l’ennemi.

Au dire des chroniqueurs, une compagnie de volontaires se fit surtout remarquer. Elle avait pris le nom de « Compagnie du Sabot », d’où les soldats qui en faisaient partis, celui de « sabotiers ». Henri IV demanda dit-on quels étaient ces intrépides défenseurs, «  Ce sont les sabotiers de Sens » répondit-on. ‘Ventre Saint Gris, fit le monarque, si ce sont là prouesses de sabotiers de cette ville, que ne doit-on pas attendre des autres corps de métiers ».

A deux heures du soir, la brêche étant devenue praticable, le Béarnais envoya à l’assaut ses arquebusiers qui furent repoussés. Le narrateur royaliste du « journal de ce qui s’est passé en l’armée du roy », raconte de la façon suivante l’attaque d’Henri IV :

« …sa majesté feist hier investir promptement la ville, et logea son artillerie avec une diligence incroiable, tellement qu’en un même jour, ils se trouvèrent investis, battus et assaillys. Depuis cette heurelà, on ne s’aperçut plus de rumeur ny division dans la ville parce que sa majesté etoit en double de l’état du dedans et ne voulait pas laisser perdre en ceste ambiguïté ses bons sujets qui avoient tenu son party, sa majesté envoya quelques nombres d’harquebusiers pour se loger sur la breche, qui n’étoit  qu’une tour ouverte, et quelques pas de courtine, n’y ayant esté tiré que deux cent coups de canon, prou suffisans toutefois, si partyre de ceulx de dedans eussent esté en armes par luy, comme on l’avoit assauré.

Les dits harquebusiers s’y logèrent et furent suiviyz de plusieurs, tant de la noblesse que des régiments pour y donner mais oultre ce qu’il apparut assez en la forme de leur défense, qu’ils n’étaient pas en division dns la ville, sa majesté fut avertie, par une voye secrète qu’ils étaient bien d’accord, et non sans occasion d’avoir opponion que la négociation, dès le commencement, n’avoit pas été sincère. »

Il semble en effet que ce ne fut que pour retarder la marche du roi sur Paris que le gouverneur de Sens et les notables firent croire à leur intention de capituler.

Désabusé, Henri IV abandonnant la ville où il eut fallu soutenir un siége en régle, quitta les faubourgs le 3 mai et se dirigea sur l’Ile de France.

Il est difficile de savoir quelles furent les pertes des Ligueurs et des Royalistes. Ceux-ci avouaient dix tués et douze blessés.les Ligueurs au contraire, affirmaient un désastre complet des troupes royales, mentionnant mille morts chez l’adversaire, et huit seulement chez eux.

Ce qui est indiscutable, c’est que le Béarnais subit, devant Sens, un échec qui s’est avoué nulle part. Le recueil des lettres missives est muet, car à la dépêche royale du 28 avril 1590, datée de Bray-sur-Seine, succède brusquement celle de Beaugency, du 6 mai.

La lettre suivante de M. de la Guiche au duc de Nevers est moins circonspecte :

Monseigneur,

Ceporteur vous dira prou de nouvelles de cette armée et ce qui eut réussy de l’entreprise du siège devant cette ville de Sens, lequel, à la vérité, le Roy n’avoit nullement l’intention, ne voulu résoudre, jusques à ce que les menées des Srs  Chanvallon avoit et la Motte-Coutelas, avouées du général consentement des habitants, et raportées à sa Majesté par deux échevins, luy aient failly par la révolte de la commune populace, luy persuadèrent en rendirent plus disposé en ce que l’on à cru que ledit Sr de Chanvallon avoit esté assiégé par la commune dans l’échevêché, et qu’ilz refusèrent l’entrée de la ville à la Motte-Coutelas qui revenait de devers M. le maréchal d’Aumont, pour traiter de la composition, tellement qu’il est icy avec nous.

Sa Majesté arriva icy le dernier du mois passé avec son artillerie, sur les qutre heures du soir. Elle fut logée et mise en batterie, et preste à exécuter à la pointe du jour du premier de ce mois ; mais à cause qu’ils demandèrent à parlementer, on ne commença à battre que sur les dix heures. La brêche fur aucunement raisonnable, mais pour la difficulté de descente dans la ville et plus, comme je croy de n’avoir bien entendu l’ordre et la disposition de l’assault, ainsy que sa Majesté l’avoit commandé, il n’a réussy si heureusement qu’il devoit, et les autres affaires qui l’appellent ailleurs sont bien autrement importante que le prince de Sens. Sa Majesté, pour ne s’eslongner de Paris, n’y des moiens qui s’y offrent à remis la reprise de ce siège pour quelque temps durant le quel, qui a duré trois jours, il ne nous est rien apparu de la fureur qu’on attendoit de ceux qu’on estimoit serviteurs de sa Mjesté dans la ville.

L’armée déloge demain matin, et alors droist à Paris ».

Le maréchal d’Aumont, huit jours plus tard, écrivait de son côté, au duc de Nevres, à Nangis :

« ….. Sa Majesté, picquée dela longueur dont usoyent ceulx de Sens à réddition s’y achemina, plus en intention de les faire haster de conclure que de s’y opiniatrer, de façon qu’elle fut un peu battue. Mais mal assaillys, sa Majesté n’y ayant voulu faire perdre des hommes, ny du temps davantage, ayant d’autres desseins en main, de plus grande consèquence et utilité.

Il y eut quelques gens d’honneur qui, sans aultre commandemant, aients de gayeté de cueur donnaient avec les gens de pied, dont y en a eu de blessez, mais on en espère la guérison ; on tire droist à Paris ».

La soumission de Sens, privée de ses privilèges de 1591, n’eut lieu que le 16 avril 1594.