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Au cours de la première partie de cette étude, nous avons vu apparaître différents types ethniques dont certains se sont fixés pour plus ou moins longtemps sur le sol basséen. Une question se pose donc : ont-ils donné naissance à une race basséenne ? Existe-t-il un type basséen ? Il est incontestable que le sol influe à la longue sur la population à cause de la manière de vivre qu’il impose, mais les transformations ou évolutions sont souvent davantage d’ordre psychologique que physique, ce qui fait qu’il y aurait plutôt un caractère ou un esprit basséen qu’un type basséen à proprement parler. Le fond préhistorique a été très nettement supplanté par la race celte et les apports romains, puis, Francs et Burgondes, absorbés par la population de base n’ont créé que des diversions peu importantes. Le type basséen pourrait être représenté par un homme de taille moyenne, brachycéphale, aux cheveux blonds, et physiquement bien équilibré ? Cependant, deux autres types qui font apparaître des caractères différents se trouvent aussi en Bassée ; ils proviennent des régions voisines : 1°) Le Champenois, prédominance franque, plus mince, et légèrement plus grand, a tendance dolichocéphale. 2°) Le Bourguignon, d’origine burgonde, plus petit, plus râblé, tête ronde. Mais sur l’ensemble de la population autochtone apparaissent également les signes des races diverses qui ont passé ou qui ont été assimilées, et qui par des caprices de la nature, parviennent toujours à transparaître, non de façon permanente, mais sporadiquement : cheveux bruns (groupes franco-cantabrique et romain), yeux marrons (latin ou juif selon la forme), visage allongé (anglo-saxons), grande taille (race nordique) etc… Il arrive même qu’un type complet réapparaisse après plusieurs générations, et nous avons constaté également ce phénomène dans d’autres régions longtemps occupées par des peuples divers. Bien que le tempérament propre à chaque race ou groupe, existe plus ou moins atténué dans chaque individu, le caractère basséen se dégage généralement assez nettement. Ce caractère est le résultat des siècles de luttes et de collaboration avec les éléments du pays. Le Basséen est un être sociable avant tout, échangeant très volontiers divers services avec ces voisins ou collègues, recevant facilement à sa table, il apprécie les produits de sa terre fertile qu’il accomode avec art. Il, pense d’ailleurs que les bonnes choses que prodigue la nature mérite beaucoup de soins pour parvenir à maturité, d’abord pour être préparées de façon à ne pas faire mauvais usage de ces dons divins, ensuite, pour que l’homme enfin, dans leur préparation y mette le meilleur de lui-même, toute sa science culinaire, et tout son amour, afin de les présenter sur la table des gourmets. Cette philosophie valut à la Bassée la renommée du « bien manger » et du « bien boire », et l’on cite encore de ces agapes où l’on servit quatre moutons pour six personnes, treize oies à douze convives, et d’autres repas plantureux où le service ininterrompu de la table durait facilement de quatre à six heures. En cela, on sent transparaître un atavisme gaulois. Mais un peuple courageux et travailleur a besoin de se bien nourrir pour bien se porter. Au demeurant, le basséen est généralement calme et réfléchi, mais n’engendre pas la mélancolie. Il aime se retrouver avec ses semblables, et ce par tempérament, mais aussi pour répondre à diverses raisons, et c’est ce qui explique l’abondance floraison de groupements les plus variés dans la région. Par nature, il est profondément attaché à ses traditions, et n’admet la modernisation que dans la mesure où elle peut être favorablement adaptée à la Bassée. Il prouve là sa sagesse, pratique et prévoyant avant tout, il sait tirer les leçons du passé pour de nouvelles réalisations, et n’accepte jamais d’amblée un aménagement d’origine étrangère. Accueillants, les basséens acceptent de bonne grâce tous les gens que le sort leur envoie et les considèrent assez rapidement comme des leurs. Cela facilite d’ailleurs une assimilation accélérée des éléments nouveaux, et une communication plus vive de l’esprit. Pacifiste, le basséen est contre les guerres et les révolutions, il semble ne rien comprendre à la politique, dont il est loin cependant de se désintéresser, mais son sens, sa franchise et sa probité désapprouvent les « incorrections » des politiciens. Peu lui importe le régime pourvu qu’il ait la paix, la tranquilité, la liberté, et la possibilité de vivre honnêtement avec les siens. De fait, nous l’avons vu, les représentants basséens n’ont jamais été à la base des dérèglements politiques de l’histoire. Dans les périodes de troubles, sous Louis XIV, les Longueville et Nemours n’étaient plus barons de Bray. Les basséens savent que quelques soit la forme de gouvernement, les petits pâtissent toujours des sottises des grands. Aussi lorsque le 24 avril 1814, ils adressent à Louis XVIII « descendant de nos bons et anciens rois sous lesquels la France existait heureuse et florissante » une déclaration de fidélité ; puis le 21 mars 1815, s’adressant à Napoléon revenu de l’ile d4elbe, ils déclaraient, « Sire, nous déposons entre vos mains le tribut de notre admiration, notre dévouement et notre respect » ; et le 24 juillet de la même année, de nouveau à Louis XVIII, « Sire, nous déposons au pied de votre trône l’hommage de nos sentiments d’amour, de dévouement respectueux et de notre fidélité. Enfin le 29 aout 1830, à Charles X : « Sire, permettez-nous de joindre nos acclamations et nos vœux à ceux de la France entière… ». Il ne convient pas de voir dans ces notes apparemment contradictoires, des positions de gens qui ne savent pas ce qu’ils veulent, mais tout simplement l’expression d’un sentiment qui se traduit par : » Règne à Paris qui pourra, mais que chez nous, on ait la paix ». Cette disposition d’esprit explique que les événements politiques de la capitale ne trouvent pas beaucoup d’écho dans la vallée. Sans doute, il y a toujours quelques individus prêts à renverser les traditions, mais ils sont si peu nombreux qu’il vaut mieux n’en point parler, et de plus, il en est bien peu qui furent de véritables basséens. Accueillant, sociable, ces qualités en implique également une autre : la générosité. Ce qui ne veut pas dire que la basséens jette ce qu’il a par les fenêtres, car il est au contraire « intéressé », comme il le dit lui-même. Une remarque s’impose pourtant. Nous avons observé que les nouvelles générations évoluent légèrement et tendent à se rapprocher d’un type « standard » à prédominance celte. Ce phénomène se rencontre d’ailleurs en d’autres régions de France, et même au-delà des frontières. Cette nouvelle et général évolution s’est très accentuée au cours de la dernière guerre, et semble se poursuivre. Elle est due probablement à l’uniformité du genre de vie des populations, à la pratique rénovée des sports, et oriente peut-être les hommes vers un nouveau type d’individu. Le basséens n’aura certes pas beaucoup à faire pour évoluer dans ce sens, mais son esprit et son caractère lui resteront très probablement. Mais, même si cela lui coutait un peu de lui-même, qu’est-ce que cela lui ferait, pourvu que le monde y gagne quelque chose. |