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Toujours dans cette même période 1919-1939, le domaine des Aulins sur le territoire de Mouy-sur-Seine, appartenant au Baron Berthémy. Sans doute, se souvient-on encore du Baron et de Baronne, tous aimables et bons, mais qui passaient pour former un couple particulièrement original, du moins à ce qu’il paraissait. Il n’était pas rare, par exemple, de les rencontrer tous les deux en même temps à Bray, mais chacun dans sa voiture. Mademoiselle Berthémy, leur fille, épousa le Général Denain, lequel fu ministre de l’Air au déclin de la IIIème République. Il venait quelquefois aux Aulins gouter le calme de la Bassée, jusqu’au jour où l’incendie du château le décida à vendre le domaine. En 1939, une nouvelle guerre éclata. Cette guerre, qu’on appelé « la drôle de guerre », parce que en fait personne n’y a pas compris grand-chose, tant les paradoxes y ont été nombreux. Des armées passant des mois à se regarder face à face sans bouger. Des états combattants tantôt d’un côté tantôt de l’autre. Des dirigeants orientant leur politique d’une manière des plus incohérentes. Et tout le reste de scandales, de crimes, et d’absurdités de tous ordres. Quel allait être le rôle de la Bassée dans cette nouvelle tourmente ? Comme toujours, au cours de l’Histoire, elle sera un carrefour, où tout à tour passeront les réfugiés du nord et de l’est faisant le terrible exode, puis les troupes allemandes, enfin les forces alliées. En juin 1940, le génie française détruisit tous les ponts de la Seine et les embarcations, ce qui n’empêcha pas l’ennemi de passer le fleuve et de s’installer dans la région… et d’ailleurs. Le 16 juin 1940, le IIIème République avait vécu ; l’Etat Français naissait, avec à sa tête le Maréchal Pétain. Le 18 juin 1940, le Général De Gaulle lançait son appel à la radio de Londres, la France Libre prenait corps. Il ne nous appartient pas de prendre ici parti, ni de chercher à analyser les éléments qui déterminèrent les positions de ces hommes, pour la raison que ses événements se situent en dehors du cadre de notre étude, et que du point de vue territorial, la Bassée appartenait à la zone occupée. En effet, l’ensemble de ce qui avait formé l’Empire Français sous la IIIème République (encore un paradoxe), se trouvait alors décomposé en trois Frances. 1°) l’Etat Français, au sud de la Loire, dont la capitale était Vichy, et qui devait son prestige à deux raisons principales. D’abord à cause de la personnalité de son chef, le Maréchal Pétain, ensuite, parce qu’elle demeurait située en territoire métropolitain et que son gouvernement était composé de français. 2°) la France occupée, comprenant toutes les régions de l’ouest, du nord et du nord-est, et qui avait le privilège de conserver Paris, la vraie capitale de la France. 3°) la France Libre, qui comprenait les territoires d’outre-mer (bien que peu nombreux au début), et qui groupait tout ce qui restait d’énergie sous l’autorité du Général De Gaulle. Son gouvernement composé de Français, installé d’abord à Londres, se transporta à Alger, dès que cela lui fut possible. Voilà pour la répartition des territoires. Quant aux esprits, il en était différent, partout, il y avait des partisans de Pétain, des partisans de De Gaulle, et des partisans d’Hitler, et tous avaient des raisons matérielles de justifier leur choix, soit que leur esprit s’accommodait de l’idéologie en cause, ou que leur genre de vie s’en trouvait facilité, soit qu’ils misaient sur le gagnant présumé, ou enfin, qu’ils estimaient que l’aventure callait la peine d’être vécue. Cependant, il faut reconnaître que beaucoup étaient animés d’un idéal réel, d’un idéal bien français : Servie. Aussi, selon leurs aspirations, ils servaient qui la France, qui l’Allemagne, qui l’Europe. Que dans ces conditions la troupe s’implante dans les esprits, que l’on respire une atmosphère de méfiance et de crainte, cela n’est rien moins que normal, amis pour les basséens, gens généralement calmes et pas belliqueux par tempérament, la situation devenait insupportable, mais quelle qu’elle fut, elle devait durer quatre années. Bien que la Bassée n’ait jamais, au cours de son histoire, été à proprement parler un théâtre d’opérations militaires, (sauf pourtant la bataille de Jaulnes du XIIème siècle), elle a toujours été victime des gens de guerre à quelque clan qu’ils appartiennent. Aussi durant ce conflit, la région a-t-elle été bombardée, mitraillée et pillée. Enfin en Aout 1944, l’ennemi refoulé par les troupes libératrices, remontant vers le nord-est traversait une dernière fois la Bassée. Il y eut des jours sombres pour les basséens, et plus particulièrement pour les Braytois, et il fallut toute la diplomatie et la ténacité du Chanoine Roussel, curé-doyen de Bray, pour que la population ne soit pas endeuillée d’exécutions comme presque toutes les autres régions de France. Le Chanoine Roussel ne laissera pas son nom dans l’Histoire, mais il peut, pour son action efficace et courageuse en ces jours d’angoisse, être couronné du titre de héro, et les braytois lui doivent « une fière chandelle ». La tourmente passée, on avait instauré en France un régime transitoire dénommé Gouvernement Provisoire, auquel succéda la IVème République. Nous n’imiterons pas Louis Roubault, et laisserons à l’avenir le soin de décider cette fois s’il s’agit du gouvernement définitif de la France. |