Les Huns
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Au printemps de l’année 451, alors que la nature entière commençait à s’épanouir, et que les Basséens se préparaient aux travaux des cahmps en vue de préparer les moissons futures, une rumeur passa comme un souffle de terreur sur la vallée : voilà les Huns !

Les Huns. Quel jeune écolier n’a pas frémit à l’évocation des ces hordes barbares en lisant son manuel d’Histoire de France ?

Pourtant, il semble qu’il y ait loin de la Vérité historique à l’Histoire enseignée ; c’est du moins ce qu’en pense M. Jean Amsler, dans une étude extrêmement détaillée intitulée « A la recherche d’Attila ».

Quoi qu’il en soit, pour les gens du Vème siècle, c’était une invasion de plus, et l’on peut concevoir leur crainte en apprenant la nouvelle de leur arrivée et de leur proximité.

Cependant, avant de poursuivre, nous allons donner quelques détails sur ce peuple et ses habitudes, et nous empruntons pour ce faire, comme d’ailleurs pour la suite du chapitre, de larges extraits de l’étude de M. Jean Amsler dont l’érudition est une référence des plus sérieuses.

« les historiens anciens ont exagéré souvent de façon grotesques les chiffres qu’ils nous ont transmis, beaucoup de modernes les ont recopiés servilement. Attila n’a eu ni un million, ni un demi-million, ni trois cent mille, ni cent mille, nous admettrons qu’il en avait vingt cinq à trente mille, et c’est énorme.

Jules César, à la plus belle époque des armées romaines en avait à peine plus de 40.000.

L’armée d’Attila ne vivait pas sur le pays. Une armée ne vit jamais sur le pays à moins de cesser d’exister en tant qu’armée. C’est ce qui advint à la Grande Armée en Russie. Au contraire une armée, si rustique soit-elle, est liée à ce que les anciens stratèges appellent une ligne d’opérations ; ou bien elle trouve sa subsistance dans des dépots préparés d’avance, ou bien elle la fait suivre par convois.

On ne voit pas bien comment Attila, parti en janvier ou février de Hongrie, se serait fait suivre par des chariots jusqu’à Orléans, en un temps où la capacité de trait d’un cheval attelé n’excède pas quelques centaines de kilogrammes.

Au contraire, Attila s’est contenté de suivre la ligne des dépots officiels où étaient engrangés les impots en nature, perçus en céréales. Au besoin, il a envoyé l’année précédente des émissaires munis de fonds en liquides pour stocker à l’avance. Bien entendu, les détachements isolés de reconnaissance et de couverture ont horriblement pressuré le pays, mais deux siècles d’expérience avaient déjà formé les habitants : enterrant leur richesses, y compris les céréales, ils décampaient avec leur bétail à la première rumeur de guerre, et presque partout, l’offensive hunnique a rencontré le vide.

La conséquence de cet état de chose est simple : l’armée d’Attila comme une armée à toute époque de l’histoire est liée à la route joignant ses dépots de ravitaillement.

L’évêque de Tongres, en Belgique, Servatius, alla en pèlerinage à Rome, et le ciel l’avertit que la Gaule serait livrée au roi des Huns. Son nom, en gothique, signifie « petit père ». Ce dernier approchait alors de la cinquantaine et ses cheveux grisonnaient.

C’était un homme trapu, bas sur pattes, au teint presque noir, au nez court et au faciès mongol. Il affectait une grande simplicité de mœurs et rendit la justice avec sévérité. Humain avec les siens, il était impitoyable pour ses adversaires ; instable dans ses plan d’ailleurs, et préoccupé de connaître l’avenir par la sorcellerie.

Les Huns, à l’origine, étaient des chasseurs et éleveurs nomades des steppes transcaspiennes qui petit à petit sous l’impulsion d’une aristocratie d’origine mongole, s’étaient répandus sur l’Ukraine, puis la Hongrie. Une forte tradition de conquète les animait, et sous une personnalité forte, ils pouvaient aller loin. Attila fut cette personnalité.

Né de grande maison, il succéda vers 435 à son oncle sur le trône hunnique, qu’il partagea d’abord avec son frère Bléda, qu’il fit assassiner. Il groupa autour de lui, par son prestige, un certain nombre de condottieri de toutes races et conçu la plan d’occuper tout l’empire romain.

Il envoya simultanément à Valentinien III et à Théodoric des lettres à peu près semblables. « Je n’en veux qu’aux Romains » disait-il au Goths et au Romains, il disait le contraire. Puis il se mit en marche à partir de son quartier général habituel. Ce faisant, il sollicita l’alliance de Genséric, roi de Vandales, qui tenait l’Afrique du Nord, puis marchant vers l’ouest , il ramassa divers contingents barbares amateurs de charcuterie gauloise  et de monnaies romaines, franchit le Rhin vers Mayence, prit d’assaut Metz, entra en Champagne qui lui servit de place d’armes pour la suite des opérations. En même temps, des avant- gardes rapides harcelaient et pillaient le pays, tout le nord est jusqu’à l’Oise et l’Escaut.

Parti de Metz la 10 avril, Attila, aux premiers jours de mai, par Reims, Chalons, Pont-sur-Seine, Sens, Sceaux, atteignirent Orléans et y mettait le siège avec un contingent de quelque 10.000 hommes peut-être, tandis que le reste était à la maraude dans toute la moitié est du bassin parisien.

Orléans qui était la clé de la Gaule méridionale, avait alors un évêque nommé Anianus  qui partit dans le midi réclamer du secours. L’Empereur délégua en Gaule son meilleur général : « Aetius » (l’Aigle) . Après s’être longtemps désirés, les Wisigoths de Toulouse marchèrent à leur tour et quand, le 23 juin les Huns qui venaient de se faire ouvrir les portes, procédaient aux déménagement de cette ville, l’avant-garde romaine les surprit et les mit en fuite.

Attila manoeuvra en retraite sur son itinéraire d’aller, et ramena ses troupes en Champagne, dans la région de Marigny-le-Chatel.

Ces extraits de « A la recherche d’Attila » nous précisent non seulement le passage des Huns aux portes sud de la Bassée, mais aussi la présence en Bassée d’avant-garde et de troupes de couvertures.

D’autre part, il faut admettre que la ligne d’opérations présentée par la voie Augustobona (Troyes)- Genabum (Orléans), n’était qu’un axe de marche, et que les ailes de l’armée devaient se déployer assez largement sur la droite et comme sur la gauche. D’où la nécessité pour la Bassée d’être traversée par une partie des troupes hunniques à l’aller comme au retour.

Un autre point d’histoire fixé par Jean Amsler, et qui reste important pour la Bassée, est le lieu de l’ultime bataille où fut vaincu Attila. On a parlé de la plaine de Chalons, d’où le nom de champs catalaunique, certains ont proposé les environs d’Orléans et même de Toulouse ; puis le département de l’Aube a fini par annexer définitivement Attila et les Huns.

Nous allons encore puiser dans l’étude de Jean Amsler le récit de cette bataille livrée à proximité immédiate de notre région.

« Attila chercha donc un terrain favorable pour livrer bataille et le trouva, vers le 7 septembre, au centre d’un bassin aux bords peu élevé, drainé par un petit cours d’eau et où s’élevaient deux villes : Mauriacum (Moirey) et Désidériacum (Dierry). »

Notons au passage que la terminaison « us » acum, est déjà transformé en « um » (eum), marque de l’évolution de la langue gallo-romaine, qui sous l’influence des Francs, deviendra la langue romane.

«  c’est à la date du 7 septembre que fut martyrisé à Brollum ( Saint-Mesmin), le diacre Mémorius, envoyé avec plusieurs compagnon par l’évêque de Troyes, Saint Loup, pour négocier avec Attila. Comme la délégation s’approchait, vêtue de robes blanches, le cheval du roi aurait pris peur, jetant à terre son cavalier, qui furieux, aurait fait mettre à mort les envoyés. Cet acte n’est pas dans les manières du roi des Huns, et ne pouvait que gater ses rapports avec l’évêque dont il avait besoin comme médiateur ; il doit être selon nous attribué à quelques chefs d’un parti errant de cavaliers en maraude. Toutefois, cette mention de date est précise ; elle prouve qu’Attila était dans la région puisqu’on le cherchait à Saint-Mesmin, et aussi que les dés n’étaient pas encore jetés, puisque les négociateurs n’avaient pas de sauf-conduit ».

Maintenant, nous pouvons suivre carte en mains le détail des opérations.

« Attila établit son camp à Dierry, à proximité des puits de cette localité, et y concentre ceux de ses soldats qui n’ont pas préféré ascorter les convois de butin ou gagner au large : 15 à 20.000 peut-être.

Il oblige ainsi Aetius à un choix difficile. Ou bien, suivant la voie romaine Sens-Troyes, il défilera en colonne sous la menace d’une attaque de flanc, ou bien, il devra se déployer en débouchant d’Estissac par un pont unique et à découvert, le problème équivaut à un débarquement sur une presqu’ile. En effet les vallées marécageuses de la Vanne et du Bétro forment un angle aigu où l’armée romaine dut pénétrer par la pointe. Aetius choisit de se déployer et de livrer bataille.

L’armé romaine se déploie à partir de l’actuel passage à niveau à la sortie d’Estissac. Deux voies s’ouvrent à la progression :la voie romaine et préromaine de Pons-Belini (Pomblin) à duodecim-Pontes (Pont –sur-Seine), et aussi la voie charrière ; cette dernière, qui commence par une étroite tranchée peu profonde à vingt mètres de la barrière du passage à niveau, se poursuit à travers champs en direction de Payns. Elle longe sensiblement la crête d’une longue colline en pente douce culminant en un plateau étroit et long à l’altitude de 240 mètres environ.

Bien entendu, un poste d’observation hunnique est étable sur la colline nue que nous appellerons Côte-Rouge, du nom qu’elle porte aujourd’hui. » Peut-être, précisément, à cause du souvenir de cette bataille.

«  Cette avant-garde est attaquée en pleine nuit, par un corps-francs et même doublement francs, puisqu’il s’agissait bel et bien des Francs de Mérovée. 16.000 hommes note paisiblement le chroniqueur. Et certains manuscrits disent 40.000. Mettons 160 ou 40, et n’en parlons plus. Cependant, les deux armées campent sous les armes : Attila et les siens à l’abri d’un rempart de chariots les réguliers romains dans un camp classique, Goths et Francs couchés par terre près des feu de bivouac.

Donc au matin du 9 septembre, à ce qu’on présume, Attila, ne semblait pas décidé à faire mouvement. L’armée romano-Gothique en conclut qu’il fallait livrer bataille et entreprit de déployer face au nord à partir d’Estissac.

Cette manœuvre délicate, protégée par une avant-garde déjà établie sur la Côte-Rouge, fut certainement observée par les Huns, mais se déroula avec lenteur.

Aetius avait placé à l’aile droite les Wisigoths du vieux roi Théodoric, commandée en fait par son fils Thorismond.

Des francs, il ne sera plus question.

Lorsque le Goths arrivèrent sur le plateau de Côte-Rouge, ils aperçurent, grimpant le versant nord, une avant-garde Ostrogothique : Attila, voyant executer la manœuvre adverse avait à dessein opposé des Goths à d’autres Goths.

Mais il était déjà trois heures de l’après-midi quand les ailes marchantes se trouvèrent fac à face. Attila prudent et prévoyant la défaite ne voulait pas laisser aux romains le temps matériel de la transformer en déroute. Aussi avait-il pris le soin de s’établir au centre du dispositif parmi ses troupes d’élite, laissant à d’autres auxiliaires l’aile droite, la moins exposée, puisqu’elle s’appuyait au Buziau, ruisseau à sec, mais difficile à franchir en bon ordre. Devant lui, il n’avait que le corps des Alains, commandée par Sangiban, notoire représentant de sa 5ème colonne en Gaule. Aetius avait placé au centre ces auxiliaire Alains, pace que, note Jornandès avec quelque cynisme, quandon ne peut s’enfuir, on s’accomode volontiers de combattre ».

Le général romain s’était réservé l’aile gauche, dans la plaine de Moirey, le long du Bétri, qu’il garnissait avec des troupes plus manœuvrières et plus solides, exercées à la romaine.

Cependant, les Wisigoths, animés d’une haine frénétiques, se lancèrent au-devant de leur cousins les Ostrogoths, que grâce à la pente, ils culbutent. L’aile gauche hunnique commence à flotter. Un temps d’arrêt se produit.

Attila réunit son état-major, puis le centre hunnique s’ébranle les Alains enfoncés comme prévu, et la mêlée devient générale. A l’aile gauche hunnique, les auxiliaires taillés en pièces par les Wisigoths ne parviennent pas à se regrouper, et l’aile droite adverse, les mains libres, se rabat sur le centre où était Attila. Un mouvement semblable est exécuter par Aetius, et Attila, pris en tenaille, donne le signal de la retraite au moment où la nuit commence à tomber.

Des engagements confus se poursuivent dans l’obscurité grandissante. Le bouillant Thorimond avec une poignée de braves, entre par mégarde dans le camp d’Attila ; blessé, il se dégage à grand peine, tandis que son père Théodoric, atteint par le javelot d’un Ostrogoth nommé Andagis, tombe de cheval et meurt.

Cependant Aetius, le seul dont le corps d’armée ait conservé sa formation régulière, fait bivouaquer ses hommes sur place ; tous vont se désaltérer dans les mares du Bétro que colorait les sang des morts et des bléssés.

Aetius prcourt à tatons le champ de bataille, n’y rencontre de vivants que les Wisigoths épars, occupés à achever les bléssés ,adverses et à dépouiller tous les morts.

Et Jean Amsler conclut :  « une drôle de bataille, tout compte fait et engagée sous d’étranges auspices par une armée –celle d’Attila- évidemment persuadée d’avance qu’elle va à la défaite, et livrée à une armée –romaine-  dont une partie ne pense qu’à se venger des Ostrogoths, la seconde à détaler, tandis que leur général en chef espère pouvoir se débarasser, non seulement de son adversaire, mais de ses alliés ».

Nous résumons rapidement la suite, sans consèquence pour la Bassée.

On traite avec Attila qui verse 10.000 sous d’or dont Aetius paie son armée, et tandis que les Wisigoths s’en retournent à Toulouse, le roi des Huns en passant à Troyes prend l’évêque Saint Loup pour sauf conduit, et ne le relâchera qu’à la frontière. Les Francs , revenus une fois le danger passé, vont poursuivre les Huns outre Rhin pour aller se payer sur la bête.

On sait que Paris fut à cette époque assiégé par les hordes hunniques, et la famine s’y faisait menaçante, Sainte Geneviève quitta secrètement la ville pour aller au ravitaillement. Huit à dix jours plus tard, elle descendait la Seine avec une flottille chargée de blé, et accostait à l’ile de la Cité.

La tradition locale rapporte que c’est au village de Mouy, (aujourd’hui Vieux-Mouy), que sainte Geneviève vint chercher des vivres. Bien que l’on ne trouve pas de document à ce sujet, du moins à notre connaissance, le fait parait très vraisemblable. Le temps accordé peut-être jugé comme raisonnable pour faire la route, le trajet aller, rassembler les bateaux, les charger, et revenir ensuite au fil de l’eau jusqu’à la Cité.

On peut penser aussi, qu’elle devait être à peu près sure de trouver dans la région de Bray, une quantité de blé suffisante, et le nombre de bateliers nécessaires à l’acheminement.

Autre conséquences, indirecte de l’invasion des Huns, c’est en mémoire du passage de Geneviève que la paroisse de Mouy a été placée sous la protection de cette sainte, et que l’église du village actuel de Mouy-sur-Seine lui fut consacrée.

Bien que Marius Richard, dans son « Roman de Paris » place cet épisode de la vie de saint Geneviève quelques vingt ans plus tard, lors d’une invasion de Germains dont il semble qu’on ne trouve pas trace en Bassée, nous optons de préférence pour la tradition locale maintenue après 1500 ans, et affirmée par le vénération potée par la population de la rive droite à la vierge de Paris.