|
Huit siècles après la fondation de Rome, l’empire romain est à son apogée. Implanté sur trois continents, son territoire présente une importance probablement jamais atteinte antérieurement par aucune nation. Cette immense étendue nécessité une organisation bien adaptée dans les domaines les plus divers. En vue de garantir la sécurité de l’empire, les légions sont en permanence sur les frontières pour s’opposer aux incursions de nombreux peuples venant du nord et de l’est ; les escarmouches sont fréquentes mais les légions sont efficaces. L’empire est un assemblage de peuples : latins, grecs, celtes, ibères, sémites, berbères, égyptiens, etc… dont certains ne sont pas toujours de tout repos, des rebellions sporadiques impliquent une mobilité des légions de l’intérieur pour le maintien de l’ordre. Afin de permettre le déplacement rapide des armées et faciliter les échanges commerciaux, l’Etat romain construit des routes de qualité, ces fameuse « voies romaines » dont certaines, après mise aux normes, sont encore utilisées de nos jours. Si dans les campagnes les conditions de vie sont encore peu évoluées, les villes bénéficient d’aménagements urbanistiques déjà avancés : eau courantes, égouts, piscines, théâtres, arènes, rues dallées, etc… La société romaine est en quelque sorte le résultat d’une combinaison des civilisations grecques et romaine. Le commerce et l’artisanat sont prospères. Les esclaves sont nombreux et accomplissent les travaux les plus divers à la campagne comme à la ville, et de ce fait, le citoyen romain, bien que l’esprit cultivé, auraient tendance à l’oisiveté. Sur le plan administratif, le latin est la langue officielle parlée dans tout l’empire, mais localement, on utilise encore couramment la langue maternelle, ce qui, à la longue, produit des mélanges donnant naissance à de nouveaux dialectes. La monnaie romaine circule dans tout l’empire. Comme il est impossible d’administrer globalement à partir de Rome, la capitale, siège du gouvernement, un territoire aussi vaste, l’empire est divisé en provinces. Ainsi notre région est incluse dans la province lyonnaise. En outre, la province est elle-même divisée en secteurs correspondant généralement à des territoires ethniques ; cette subdivision est appelée : diocèse. Au temps de Cicéron, les romains ne donnaient le nom de diocèse qu’aux subdivisions territoriales d’Asie. Peu à peu ce terme fut étendu à tout l’empire. A partir de Constantin on appela « Grands Diocèses » les quatorze divisions de l’empire qui renferment chacune plusieurs provinces. Les Grands Diocèses administrés par un vicaire impérial étaient groupés de manière à former quatre préfectures soumises à chacune à l’autorité d’un préfet. En 375 la lyonnaise fut divisé en quatre par Gratien et notre région fit partie de la Lyonnaise IV correspondant au territoire des Sénons. Citons pour mémoires : Lyonnaise I, Lyon ; Lyonnaise II, Rouen ; Lyonnaise III, Tours. Un autre effet de la romanisation se produit dans le changement du nom des cités. Si les petites agglomérations sont assez peu touchées par cette réforme, les plus importantes n’u peuvent résister. Ainsi des cités d’origine celtique sont devenues : Agustobona (Troyes), Augustodunus (Autun), Caesarodunum (Tours), etc… C’est ainsi que l’actuel village de Jaulnes a été nommé : « Janus », nom du Dieu des portes et des carrefours. La situation de cette localité sur le bord de la Seine à l’intersection de la voie romain Lyon-Boulogne sur Mer et du chemin gaulois de Condat (Montereau) et Novientum (Nogent sur Seine) a vraisemblablement été déterminante dans le choix de ce nom. A ce propos, nous regrettons que le nom celtique de Jaulnes ne nous soit pas parvenu et , sans chercher à ranimer une vieille polémique, il n’est pas impossible de supposer qu’il s’agisse d’Agedincum. Dans ces mémoires, Jules César mentionne Agedincum et le situe en territoire Senon, mais sans autre précision. De ce fait, les villes de Provins et Sens ont prétendu être Agedincum. La table de Peutinger, datée par des auteurs de 222-270 ou 200-240, ou encore antérieure à 256. Un extrait de ce document reproduit deux tracés de routes passant par Agedincum. L’itinéraire Rouen-Paris-Troyes-Auxerre ne passe par Agedincum . Il convient toute fois de préciser que le document en question est qu’une copie du XIIIème siècle, œuvre d’un moine de Colmar, figurée et peinte. Ce document défavorise Provins mais renforcerait la position de Sens. Mais peut-on accorder quelque crédit à un tel document dont la source n’est pas formellement authentifiée. Un autre document, daté par des auteurs entre 284 et 364, parait plus fiable. Il s’agit de l’Itinéraire d’Antonin, précisant la route de Caracotino (Honfleur) à Augustobona (Troyes) et qui passe par Luticia (Paris) Meclete (Melun), Condat (Montereau), Agedicum (Jaulnes), Clanum ( ?), Augustonoba (Troyes). Cet itinéraire est clair et net, il suit le cours de la Seine et peut se faire par la route ou par bateau. Notre ami regretté, Pierre Paruzot ne croyait pas au postulat Sens-Agedicum ; tout en nous faisant remarquer que pour que Jaulnes soit Agedicum, il est nécessaire que Clanum soit entre Jaulnes et Troyes. Or à ce jour, Clanum n’a pas pu être identifié. L’avenir apportera peut-être un jour le certificat d’authenticité attendu. Néanmoins nous savons que Janus, qui deviendra plus tard « Janua » a eu une importance certaine durant l’époque romaine, et la prospection aérienne effectuée par Daniel Jalmain a donné des clichés particulièrement intéressants. Le site comportait un castellum pratiquement intact qui a été détruit tout récemment par un agriculteur. Autre apport de la civilisation romaine : le calendrier. Dans l’antiquité, les Chinois, les Mongols, les Indiens, les Juifs et les Gracs utilisaient un calendrier lunaire. Les Perses et les Arméniens avaient des « calendriers vagues ». C’est Jules César qui institua le calendrier solaire, dit « julien » en 45 avant J.C. Plus précis, mais comportant encore quelques imperfections, il sera utilisé jusqu’en 1582. Mais Jules César, puis Auguste, et l’empire romain,
c’est aussi une époque qui va marquer un tournant dans l’histoire de
l’humanité. Ce n’est pas par hasard que Rome domine sur tous les peuples
des rivages méditerranéens ; ce n’est pas par hasard que l’empire
rassemble les Grecs, les Celtes et les Hébreux ; ce n’est pas par hasard
qu’Auguste apparait comme le plus puissant empereur Pour les Hébreux, les temps sont révolus ; toutes les prédictions des prophètes coïncident , l’an 753 de Rome (approximativement), la naissance de Jésus, fils de Joseph et Marie, à Bethléem, est un événement qui va prodigieusement influencer l’humanité. Après une trentaine d’année d’une vie discrète dont on sait peu, Jésus se manifeste soudain comme étant fils de Dieu ; il s’entoure d’un groupe de douze apôtres et les prépare à leur future mission. Parcourant la Palestine, il parle aux foules, leur annonce l’avènement du royaume de Dieu, accomplissant de nombreux miracles. Sa doctrine qui pourtant concorde avec les textes sacrés des Hébreux, finit par inquiéter le sanhédrin. Le grand prêtre, les docteurs de la loi, les scribes, craignant de perdre leurs prérogatives et plutôt que de reconnaitre la doctrine de Jésus, ils décident de la supprimer, l’un d’eux déclarant : « il est bon qu’un seul meurt pour que tous soient épargnés ». Et Jésus fut crucifié. Nous ne traiterons pas ici de théologie ni de dogmatisme, mais simplement dans le cadre de l’Histoire, évoquer un événement dont les retombées seront considérables. Peu de temps après la crucifixion de Jésus, les apôtres à leur tour parlent au peuple, font des disciples et provoquant de nombreuses conversions. Ils s’organisent, l’Eglise prend corps. Le sanhédrin s’inquiète à nouveau, les brimades et les arrestations commencent ; puis la première éxécution : la lapidation d’Etienne. Pourtant, Jérusalem reste le centre religieux traditionnel, mais en raison du danger, divers apôtres et disciples quittent la Palestine et vont évangéliser d’autres régions où ils fréquentent d’abord les communautés juives, puis se tournent vers les populations autochtones. Se répendant sur tout le pourtour de la Méditerranée, ils propagent la nouvelle religion. L’importance des relations maritimes facilite les voyages parfois lointains. C’est ainsi que selon la légende, Marthe, Marie et Marie la Magdaléenne accostèrent en Camargue, que Zachée, cité par Saint Jérôme, l’apôtre Jacques dit le Majeur aurait commencé l’évangélisation de l’Espagne. En Gaule, les Celtes de tradition druidiques paraissent assez ouverts à l »évangélisation. Les Latins, par contre, sont plus divisés. Beaucoup restent attachés à leurs dieux et à leut traditions. Cependant de nombreuses conversions s’opèrent . L’Empereur commence à prendre au sérieux cette vague de christianisation. Il craint que l’ordre public soit déstabilisé par l’abandon des idoles et usages traditionnels. La répression est déclenchée pratiquement dans tout l’empire. Ainsi sont martyrisés Paul à Rome en l’an 67, ainsi que Pierre à peu près à la même époque ; Marc en Egypte également en 67 Matthias en Judée entre 61 et 64. Mais ces martyres n’empêchent pas les chrétiens d’être de plus en plus nombreux. Alors on passe aux grandes persécutions, surtout sous Néron qui envoie des milliers de chrétiens aux arènes. Pourtant, tous ces massacres n’enrayent pas l’élan d’évangélisation. De nombreux légionnaires sont baptisés et propagent la nouvelle religion aussi bien dans l’armée que dans les contrées où ils sont en service. Certains sont restés célèbres : Maurice, martyrisé dans le Valais entre 275 et 305 ; Sébastien, martyrisé à Rome approximativement à la même époque ; Martin qui fut l’artisan de l’apostolat rural en Gaule, évêque de Tours en 371 et morts en 397 ; n’oublions pas Savinien, évêque de Sens martyrisé durant le IIIème siècle. Ainsi nous constatons que le christianisme progresse en Gaule, et particulièrement dans notre région. Malgré la vulgarisation des divinités romaines dont certaines supplantaient les idoles gauloises, le druidisme n’avait pas disparu de la mentalité des Celtes qui retrouvait dans la symbolique chrétienne des signes de la spiritualité druidique, comme par exemple le culte de la vierge qui devait enfanter. La tradition rapporte que les Carnutes vénéraient la dite vierge et l’on prétend que la vieille statue de la crypte de la cathédrale de Chartres serait d’origine druidique. En l’an 274 nait à Naissus (en actuelle Bulgarie) Constantin, fils de Constance Chlore. Nommé Auguste puis César il devient empereur en 306. Entrant en guerre contre Maxence qui l’attendait avec des forces supérieures. Maxence se noya dans le Tibre et Constantin devint Constantin le Grand, empereur incontesté. A la suite de sa victoire, il se fait baptiser, fait cesser les persécutions des chrétiens en 312 et déclare le christianisme religion d’état en 313. Puis il transporte le siège de l’Empire à Byzance qui prit le nom de Constantinople. Quant aux papes, ils sont à Rome et y resteront. « Consumatum est » ( tout est accompli) |