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Avant de chercher à comprendre comment le sol a formé les êtres, il faut d’abord essayer d’entrevoir comment la nature a pétri le sol. Là, où depuis l’origine de la Terre, l’océan roulait ses flots où la vie naissante prenait son essor pour la conquête du monde en formation, un vaste plateau s’éleva lentement à la fin de l’ère primaire. Emergeant ni trop tôt, ni trop tard, cette nouvelle terre paraissait, chargée des dépôts sédimentaires des périodes précédentes, posés en couche épaisses sur le fond archéen primitif. Il est probable qu’à cette époque, une flore composée de fougères, calamites, lépidodendrons et sigillaires, ait recouverts progressivement ce terrain neuf limité au sud par la lagune d’où devait surgir beaucoup plus tard, une partie du Sénonais. Cette lagune, sous l’impulsion des mouvements, devait reconquérir progressivement le terrain perdu par les eaux. Ainsi, d’amorce dès le début des ères géologiques, la lutte de la terre et de l’eau, et le plateau primaire s’enfonça lentement sous les flots. Pendant les périodes jurassique et cétacés, le sol bénéficia de l’immersion prolongée qui lui apporta une couche importante de dépôts sédimentaires, et lorsqu’au début de l’ère tertiaire, venu vers la fin de l’éocène, il surgit à nouveau de la mer, le fond primaire était recouvert d’une épaisse couche crayeuse renfermant les témoins de ce travail géologique : des fossiles, micrasters, cidaris, ourains, belennites, et autres petits animaux marins enrobés et pétrifiés, que l’on découvre maintenant dans les carrières de la région. Dès ce moment, le sol champenois était créé, mais on aspect n’était pas encore définitif. A l’ouest, une grande lagune subsistait, formée d’une part sur un reste de l’océan retiré, et s’allongeant d’autre part vers le sud sur un effondrement. Elle disparut à la fin de l’ère tertiaire, quand au pliocène des soulèvements et plissements de terrains, soulevèrent en même temps que la plupart des massifs montagneux du globe, les chaines de collines qui donneront la première forme du paysage. Sur cette terre rénovée que traverse un fleuve venant des montagnes de l’est, la végétation va reprendre ses droits, et de nouveaux habitants vont venir. Des paléophytographes nous diront que les noyers, les charmes, et les platanes croissaient dans ce pays au climat sec et chaud où l’on trouvait même des dattiers, des chamoerops et des camphriers. Les paléotoligiste nous déclaront à leur tour que l’ancêtre du cheval : le paleotherium, a fait son apparition, suivi bientôt de l’hipparion. Quant à nous, force nous est d’avouer qu’au cours de nos travaux, les seuls témoins fossilisés que nous ayons rencontrés sont des mollusques gastéropodes : fuseaux, cérithes et turritelles. Mais un refroidissement de la température va à nouveau modifier l’aspect de notre sol. La neige tombe sur les sommets, puis blanchit les vallées. L’ère quaternaire commence. A nouveau, l’eau sous forme de glace, revient façonner le sol. Le fleuve se transforme en glacier qui creusera davantage la vallée, et donnera approximativement l’aspect actuel au terrain. Enfin, le climat s’étant radouci, la grande débâcle commence, accompagnée de pluies abondantes. Toute cette masse d’eau dévalant des hauteurs produit l’érosion générale, abaissant les sommets, et déposant sur son passage des couches de graviers, de sables et de limon. Le fleuve, d’abord largement étalé entre les collines, creuse son lit, et se retire dans le fond de la vallée. La végétation reprend une fois encore sa place au soleil sur une terre fertilisée par le dernier cataclysme. La faune à son tour va reconquérir le territoire. La Bassée est enfin prête a recevoir l’homme, mais de nouvelles glaciations devront encore façonner son sol. |